J’avais huit ans
Il m’aura fallu attendre cinquante ans avant de retourner en terre cambodgienne. Cinquante ans qui ont durement marqué ce pays, une histoire ponctuée de conflits et de souffrance. Ce retour sur les pas de mon enfance, je l’ai longuement mûri. Ce n’est pas la peur qui m’a ralentie, mais l’urgence de vivre ma passion, la photographie. J’ai d’abord souhaité partir en compagnie de mon ami Serge Daney, mais sa vie en a décidé autrement. Je me suis alors envolée pour l’Afrique puis la Russie, cherchant peut-être inconsciemment à occulter mon drame, sans toutefois l’oublier. J’ai ensuite voulu le faire pour ma mère, dont la mémoire se voile à mesure que le temps coule. Cette plongée dans le passé me permettrait, peut-être une dernière fois, de vraiment communiquer avec elle. C’est en apnée, en décembre 2003, que je suis partie à la rencontre de l’enfant qui, autrefois, avait goûté l’insouciance de la vie au coeur des plantations; j’ai retrouvé cette fillette de huit ans que j’étais, autrefois prisonnière du Viêt-minh et des Issarak.