En route pour Behring
En route pour Behring ! Non tu ne rêves pas ! On dirait du Jules Verne, la promesse d’une équipée en traîneaux, les fouets qui claquent, les chiens qui s’échinent, la glace qui grince sous les patins, l’aurore boréale, les troupeaux de rênes, la chasse aux morses, une croisière en brise glace ?
On croit rêver.
Oui mais voilà, justement, on ne rêve pas. Si elle était menteuse ou pas très regardante, Françoise Huguier n’aurait photographié que ce romantisme publicitaire, mais dans son oeil d’or ce sont d’autres reflets qui se lèvent, d’autres mélancolies, inspirées par son impressionnante absence de lyrisme et son dégoût du psychologisme : la Sibérie salopée par des décennies de colonisation soviétique, la Sibérie des goulags staliniens ou l’apocalypse industrielle se dispute à l’oppression savante des « petits peuples ». Les traces de l’homme sont partout, des traces de merde, simplement plus voyantes quand elles prennent la couleur d’une coulée de kérosène sur des glaces millénaires.
Pourtant, En route pour Behring, à l’écrit comme à l’image , emporte avec lui sa cargaison de courage : pique-niquer face à l’océan Arctique, s’allonger dans un cimetière inuit, s’imaginer qu’on pourrait vivre autrement ?